Tout le sang qu'ont versé,
Les hommes dans la plaine,
Et tous les trépassés,
Des causes incertaines,
Ont fait qu'à ce verger,
Il pousse par centaines,
La rose et le pommier,
Aussi la marjolaine,
Tous ceux qui ont crié,
Que leur mort était vaine,
Tous ceux qui ont pleuré,
Le front dans la verveine,
Tous ceux qui ont soufflé,
Là, leur dernière haleine,
Ont fait de ce verger,
Sur la rive lorraine,
Un creux tendre où s'aimer,
Quand les saisons reviennent,
Tous ces désarçonnés,
Qui n'eurent le temps même,
De dire, émerveillés,
Ce sont tes yeux que j'aime
Toutes ces fiancées,
Dont l'attente fut vaine,
Ces hommes arrachés,
A leur noce prochaine,
Sourient à regarder,
Ceux que l'amour amène,
Sur l'herbe du verger,
Quand leurs bouches se prennent,
Tous ceux qui ont laissé,
Leurs amours quotidiennes,
Les membres fracassés,
Et le sang hors des veines,
Tous ceux qu'on a pleurés,
Lors des guerres anciennes,
Ceux qu'on a oubliés,
Les sans noms, les bohèmes,
Se lèvent pour chanter,
Quand les amants s'en viennent,
Insouciants, échanger,
La caresse sereine,
Qui leur fut refusée,
Au nom d'une rengaine,
Tout le sang qu'ont versé,
Les hommes dans la plaine,
Et tous les trépassés,
Des causes incertaines,
Ont fait qu'à ce verger,
Il pousse par centaines,
La rose et le pommier,
Aussi la marjolaine,
Ont fait de ce verger,
Sur la rive lorraine,
Un creux tendre ou s'aimer,
Quand les saisons reviennent...
Writer(s): Barbara, Jean Poissonnier
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