Les copains affligés, les copines en pleurs,
La boîte à dominos enfouie sous les fleurs,
Tout le monde équipé de sa tenue de deuil,
La farce était bien bonne et valait le coup d'oeil.
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
L'enterrement paraissait officiel. Bravo!
Le mort ne chantait pas: "Ah! ce qu'on s'emmerde ici!"
Il prenait son trépas a coeur, cette fois-ci,
Et les bonshommes chargés de la levée du corps
Ne chantaient pas non plus "Saint-Éloi bande encore!"
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
Le macchabée semblait tout à fait mort. Bravo!
Ce n'étaient pas du tout des filles en tutu
Avec des fessée à claquée et des chapeaux pointus,
Les commères choisies pour les cordons du poêle,
Et nul ne leur criait: "A poil! A poil! A poil!"
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
Les pleureuses sanglotaient pour de bon. Bravo!
Le curé n'avait pas un goupillon factice,
Un de ces goupillons en forme de phallus,
Et quand il y alla de ses de profondis,
L'enfant de choeur répliqua pas morpionibus.
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
Le curé venait pas de Camaret. Bravo!
On descendit la bière et je fus bien déçu,
La blague maintenant frisait le mauvais goût,
Car le mort se laissa jeter la terre dessus
Sans lever le couvercle en s'écriant "Coucou!"
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
Le cercueil n'était pas à double fond. Bravo!
Quand tout fut consommé, je leur ai dit: "Messieurs,
Allons faire à présent la tournée des boxons!"
Mais ils m'ont regarde avec de pauvres yeux,
Puis ils m'ont embrassé d'une étrange façon.
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
Leur compassion semblait venir du coeur. Bravo!
Quand je suis ressorti de ce champ de navets,
L'ombre de l'ici-git pas à pas me suivait,
Une petite croix de trois fois rien du tout
Faisant, à elle seule, de l'ombre un peu partout.
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
Les revenants s'en mêlaient à leur tour. Bravo!
J'ai compris ma méprise un petit peu plus tard,
Quand, allumant ma pipe avec le faire-part,
Je m'aperçus que mon nom, comme celui d'un bourgeois,
Occupait sur la liste une place de choix
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut:
J'étais le plus proche parent du défunt. Bravo!
Adieu! les faux tibias, les crânes de carton...
Plus de marche funèbre au son des mirlitons!
Au grand bal des quat'z'arts nous n'irons plus danser,
Les vrais enterrements viennent de commencer.
Nous n'irons plus danser au grand bal des quat'z'arts,
Viens, pépère, on va se ranger des corbillards.
Writer(s): Georges Charles Brassens
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