Quand j'aurai quarante ans, si on me laisse le temps
Je veux qu' ma maison soit pleine comme toujours
De bruits, de déraison, de calme et puis d'amour
Qu'il y ait des poivrots, musiciens et poètes
Des vrais, qu'ont du talent et qu'ont pas la grosse tête
Ceux avec qui j'ai fait, du temps des pique-assiettes,
Des baisemains perfides sur les mains indiscrètes
Des vieilles jeunes du seizième qui nous faisaient venir
Pour deux mille anciens francs faire les clowns dans leur luxe
Mais avec la promesse un jour d'intervenir
Auprès d'un vieux ministre qui connaîtrait Guy Lux
Je veux qu'il y ait toujours, dans ma maison d'amour,
Des hommes cultivés qui parlent d'ésotérisme
Devant des filles bébêtes mais belles comme le jour
Qui entendent "science occulte" et comprennent "érotisme"
Dans ma maison d'amour
Dans ma maison d'amour
Quand j'aurai cinquante ans, eh oui, si on me laisse le temps
Si je suis comme toujours dans ma maison d'amour
J'aimerais que mes enfants, s'ils n'ont pas foutu le camp,
Connaissent les vieux chacals, les requins, les loups de mer
Avec qui j' suis tombé dans toutes les galères
Toutes les embuscades de Saint-Germain-des-Prés
Quand on sortait des boîtes complètement beurrés
Eh bien, à cinquante ans, je le ferai encore!
Je suis sûr qu'un matin, on nous foutra dehors
Parce que d'un Bilboquet on fera la fermeture
Et qu'on ira pisser sur les roues des voitures
Je veux qu'il y ait toujours, dans ma maison d'amour,
Des hommes qui aiment les chiens et surtout les enfants
Des hommes qui croient en tout et même au Père Noël
Et qui disent à leur femme qui vieillit "Tu es belle"
Dans ma maison d'amour
Dans ma maison d'amour
Quand j'aurai tant et tant, si on me laisse le temps,
Que mes copains viendront sur leur fauteuil roulant
Le comparer au mien avec un p'tit sourire
Je veux que tous ensemble nous parlions d'avenir
Pas de rides, pas de lunettes, pas de fauteuil, pas de canne
Même, même que nous danserons sur le dernier Dylan!
Je ne veux pas qu'on parle - et je serai sévère -
Je ne veux pas entendre un seul mot sur la guerre
D'autres en parlent pour nous, mais c'est vrai, moi aussi
Voilà qu' j'avais oublié mes trois ans d'Algérie!
Je veux qu'on boive un coup et qu'on fasse des fredaines
Et puis que nos enfants se moquent de nos bedaines
Puis je veux que nos femmes nous fassent encore le coup
De l'amour-amitié, du baiser dans le cou
Avant que les huissiers survolent comme des vautours
Notre maison, fermons nos portes à double tour
J'aimerais cette nuit pour attendre le jour
Qu'on ferme encore les yeux... et qu'on fasse l'amour
Writer(s): Pierre Ionel Vassiliu
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